“Comment expliques-tu ton propre succès ?”

J’ai reçu sur Patreon une question d’un nouveau contributeur, et j’ai écrit un immense pavé pour lui répondre. Je me suis dit que ça ferait peut-être un bon article… Que vous soyez “patreote”, simple auditeur ou même podcasteur vous-même, j’espère que vous y trouverez des choses intéressantes. 🙂

Bonne lecture !


Sylvain:

Je t’écoute depuis plusieurs mois avec toujours autant de plaisir. Je me dis régulièrement qu’une contribution, modeste, serait à la hauteur de mes moyens et rendrait justice à ton travail : c’est à présent chose faite ! A l’heure du tout gratuit sur internet, pouvoir vivre de ses podcasts me parait être une véritable “success story” qu’il convient de saluer.
Mais une question me taraude : comment expliques-tu ton propre succès ? Je te souhaite une excellente continuation et à bientôt pour de nouvelles émissions !

Ma réponse:

Salut Sylvain ! Et avant tout saches qu’il n’y a PAS de contribution “modeste”, il n’y a que des contributions qui me font un immense plaisir, c’est la seul catégorie qui existe dans le logiciel. 🙂 Un grand merci donc pour ta contribution que j’apprécie vraiment.

Ensuite, pour répondre à ta question sur “l’explication de mon succès”, je dirais que c’est vraiment difficile à cerner, mais je pense connaitre certains éléments qui y contribuent. Les voici en vrac :

La passion. C’est un travail beaucoup plus dur qu’on ne pourrait le penser, et si on veut le faire bien il faut être animé par un amour immodéré. Comme le disaient Steve Jobs et Bill Gates, “la raison pour laquelle nous sommes encore là après 30 ans, c’est que nous aimons suffisamment ce que nous faisons pour continuer quoi qu’il arrive !”. Je me retrouve vraiment dans cette citation… Je me suis lancé sans attendre quoi que ce soit en retour, seulement parce que j’avais envie (et même besoin !) de le faire. Et accessoirement, cette passion se ressent à travers les ondes, c’est communicatif et ça entraine les auditeurs.

La persévérance. C’est lié, mais je fais ça depuis presque 10 ans ! Et nous sommes passé par des étapes rocambolesques ; les anciens se souviendront d’Azeroth.fr et de NoWatch par exmple… J’en ai connu beaucoup qui se sont lancé sans assez réfléchir, et qui se sont arrêté en route. Ce sont d’ailleurs souvent les donneurs de leçon… Alors on laisse parler et on continue à travailler. Au final, il y a ceux qui sont toujours là, et les autres. Et accessoirement là aussi, à chaque nouvel épisode on accroche de nouveaux auditeurs et de nouveaux fans. Au final, ca fédère une communauté solide.

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La régularité. On en plaisante souvent, mais pour que je rate un épisode il faut vraiment que je n’ai pas le choix ! Les auditeurs savent qu’ils peuvent compter sur moi, et qu’il pourront retrouver leur rendez-vous quand ils l’attendent. Je pense qu’ils apprécient cette “métronomie”, et que ça contribue à construire cette confiance solide qu’ils me portent.

Le sérieux. Ca ne se sent peut-être pas, mais chaque émission demande un boulot lourd. La sélection des sujets n’est pas facile (savoir quoi laisser de coté est souvent le plus difficile), la présentation claire (on me dit souvent que je parle beaucoup, mais il faut que chaque sujet soit accessible pour ceux qui ne le maitrisent pas et à la fois informatif pour les autres), l’animation équilibrée (trouver le bon équilibre entre amusement et information demande une vraie concentration), etc. Les 10 ans de métier dont je parlais juste avant jouent beaucoup j’imagine.

Le “focus”. Je fais un anglicisme pour parler de cette valeur méconnue que ceux que j’admire mettent souvent en exergue : on ne peut pas tout faire bien, et la vraie valeur des choses vient souvent du fait de savoir dire “non”. Je sais qu’il y a mille choses que j’aimerais faire, mille émissions que j’aimerais lancer, mille sujets que j’aimerais couvrir, mille outils que j’aimerais ajouter… Mais je sais aussi que je ne suis qu’une personne, et que je préfère faire quelques trucs très bien que de me diluer dans trop de choses faites à moitié.

L’éthique. Là encore, ça n’est peut-être pas évident pour tout le monde, et certains ne seront peut-être pas d’accord, mais je fais très attention à rester neutre dans mon approche de mon travail “journalistique”. J’aime certains produits bien sûr, mais quand vient le moment de l’analyse, il faut redevenir objectif, pour que ce que je dis soit utile aux auditeurs. Sans ça, on perd vite sa crédibilité. Peu de gens y pensent, mais je n’ai jusqu’ici jamais reçu de produit gratuitement d’un constructeur. Tous ceux que j’achète sont payé avec mes sous qui viennent de mes poches. C’est plus facile pour moi puisque je ne fais pas de reviews en séries bien sûr, mais ça me permet tout de même de ne pas être affecté par les relations qu’on retrouve généralement dans le métier.

L’authenticité. Je suis dans mes émissions à peu près comme je suis dans la vie. Les auditeurs ont souvent l’impression de me connaitre, et c’est le cas ! Cette proximité fait la force des podcasts, et tisse aussi une relation personnelle qui fait que, quand j’explique mon projet de financement, ils comprennent qu’il s’agit d’une vraie personne et ont envie de me soutenir.

Le recul. Internet peut être très dur. On a tous entendu ça : on peut recevoir 100 commentaires positifs et un commentaire négatif, et c’est ce dernier qui nous obsèdera plus que tous les autres. J’ai appris à ne pas me laisser affecter, à dire les choses une fois et à ne pas insister trop avec les gens dont je comprends qu’ils ne sont là que pour la polémique. Et ça marche : la communauté de mes émissions est l’une des seules que je connaisse où les gens sont tous agréables, les discussions sont cordiales et sympathiques, et les trolls ne restent pas bien longtemps… Ca joue aussi à construire cet ensemble qui me motive à continuer et qui motive les gens à contribuer à mes efforts, je pense.

L’honnêteté. Je ne parle pas de l’honnêteté en général (même si j’essaye de l’être aussi !), mais de l’honnêteté par rapport à ce projet de crowdfunding. Tu ne peux pas savoir combien de gens s’embarrassent de doutes et d’angoisses quand il s’agit de demander de l’argent pour leur travail… Moi je suis parti du principe que si les choses étaient dites clairement et que le projet était sain, il n’y avait pas de honte à avoir. Je demande, les gens répondent ou ne répondent pas, et la terre continue de tourner. Je devrais peut-être dire “la franchise”, mais au final c’est vraiment presque une question morale : on rêve tous de vivre de notre passion, et on ne devrait pas avoir à s’en cacher.

– Mais plus que tout ça, je crois que le plus important est que je n’ai pas mis la charrue avant les boeufs… J’ai construit mon “produit” bien avant de commencer à demander des sous. Tout ce dont j’ai parlé ici, c’était déjà là, et ça restera là, qu’il y ait des contributions ou pas. Forcément, à l’époque je n’avais pas le choix ! Vivre des ses productions sur Internet, c’était un fantasme… Mais il n’empêche, il faut faire les choses dans le bon ordre.

Pfiou, quel pavé ! Je pensais écrire quelques mots, et tu te retrouves avec un roman… J’espère que tu y aura trouvé quelques éléments de réponse à ta question en tous cas, et encore un gros merci pour ta contribution ! 🙂

[Message édité pour la publication ici: mise en forme et quelques mots]

September 24th, 2015