Apple Pencil : “Steve Jobs a dit”
Bon, j’ai un petit coup de gueule à passer. Voilà, je lis beaucoup sur la présentation Apple de cette semaine (normal), et je dois dire que je n’en peux plus des analyses et commentaires qui expliquent que le stylet d’Apple fraîchement annoncé aurait déplu à Steve Jobs, parce qu’il a dit un jour que les stylets n’étaient pas bons… Alors faisons une petite mise au point.
D’une part, Steve Jobs s’est contredit des dizaines de fois dans ses présentations et ses arguments… L’exemple le plus célèbre est celui de la vidéo sur l’iPod. Après avoir expliqué au monde que personne ne voulait regarder de vidéo sur le petit écran de l’iPod d’origine, il annonce fièrement l’iPod vidéo.
Mais c’est loin d’être le seul exemple de ce qui était un mélange de désinformation et, sans doute, de capacité que nous avons tous (ou devrions tous avoir) à changer d’avis quand les conditions changent. En voici quelques-uns de plus, sur cette vidéo trouvée en une recherche rapide.
D’autre part, il faut comprendre le contexte d’il y a presque dix ans (!) dans lequel il disait effectivement « qui veut d’un stylet ? C’est horrible à utiliser ! » et « Si vous devez utiliser un stylet, vous avez déjà perdu la bataille ». Il parlait du premier iPhone, dont l’écran capacitif était à des années lumières des écrans résistifs que l’on trouvait sur les « smartphones » de l’époque, et qu’on ne pouvait généralement utiliser qu’avec un stylet en plastique très rudimentaire. En gros, le doigt et le multitouch ont remplacé et remplacent toujours très avantageusement ces utilisations là.
Mais ce qui devait arriver, et qui était d’ailleurs prévisible, c’est que, les usages de ces appareils évoluant, nous arrivons à des situations où le doigt n’est évidemment pas le meilleur outil. Normal. A côté de ça, la technologie de ces stylets est justement aujourd’hui très loin du machin en plastique de l’époque. Comme l’a prouvé avec brio la Microsoft Surface, les stylets de ce type sont d’une rapidité et d’une précision redoutable… Il serait donc inepte pour Apple de se dire « Steve Jobs a dit » dans ces conditions. D’ailleurs, il est évident que Steve Jobs lui-même aurait certainement fièrement présenté ce stylet s’il était encore là, se « contredisant » à nouveau comme il l’a fait tant de fois, mais dans ce cas, contrairement à celui de l’iPod vidéo, avec des conditions si différentes qu’on ne peut même plus parler de désinformation mais bien d’une situation qui n’a plus rien à voir.
Mais la morale de cette histoire n’a en fait pas grand-chose à voir avec le Grand Steve Dans Les Cieux ; ce qui me chagrine, c’est plutôt que cette attitude est symptomatique d’une légèreté dans le propos qui, si elle est bien excusable chez les gens qui en parlent en passant, m’irrite beaucoup plus chez des journalistes en général, et chez des journalistes tech en particulier. C’est de la blague / polémique facile / petite pique buzzifiante, et ce n’est ni sérieux ni professionnel. On met en rapport deux choses qu’il est facile de confondre, ou qui se ressemble, et on crée une polémique là où il n’y a pas lieu d’en avoir. Technique millénaire de politiciens, j’aimerais bien ne pas la voir aussi dans la presse.
Et comme je le disais, ça ne concerne pas qu’Apple et Steve Jobs ; Microsoft en prend pour son grade, Google est facile à agiter en épouvantail, etc etc. Alors faut-il être gentil avec tout le monde et tout excuser ? Non, bien sûr. Mais comprendre ce dont on parle et tenter de rester aussi neutre que possible quand on l’analyse me parait être la moindre des choses. Et même si on ne peut pas forcément y arriver tout le temps (on est humains après tout), ne pas ânonner bêtement ce type d’inexactitude (ou y ajouter après la rigolade l’explication en deux mots) me parait être un bon début…
Voilà, c’était ma petite gueulante Patricko-tech-centrique du matin. Sur ce, je vous souhaite à tous et à toutes une bonne journée et un excellent week end !
Des bises. 🙂