Loi sur le renseignement : appelez vos députés !
[Update 10 avril] Sans réponse d’aucun d’entre eux, j’ai envoyé un deuxième message au même groupe. Voir en fin d’article.
Bonjour à tous !
Comme j’en ai souvent parlé dans le Rendez-vous Tech, il me semble important de contacter nos députés pour les sensibiliser aux sujets qui nous préoccupent. Aujourd’hui, la loi sur le renseignement est au centre de toutes nos préoccupations. Elle est à mon sens dangereuses et mal comprise, et je veux faire ce que je peux pour faire en informer ceux qui vont la voter.
J’ai donc appelé cet après-midi six députés parisiens, de droite comme de gauche, pour leur faire part de mon inquiétude. J’ai laissé des messages polis et aimables demandant à être rappelé, et je vous encourage vraiment à faire de même. On peut avoir l’impression d’être une goûte d’eau dans l’océan, mais [ajouter ici une métaphore mielleuse sur l’idée que tous ensemble on est forts].
C’est vraiment on ne peut plus simple avec ce site, il vous guide à chaque étape :
A coté de ça, j’ai également décidé de suivre cet appel par un email qui détaille mon point de vue. Je le copie ici, et je vous encourage là aussi à faire de même, voir à copier tout ou partie de ce texte s’il vous convient.
Pour info, voici les compte Twitters (et donc les identités) des députés contactés :
Il s'agist de @ClaudeGoasguen @JF_Lamour @fdebeauce @SeybahDagoma @annick_lepetit @S_Mazetier. 3 droite 3 gauche 3 hommes 3 femmes. (2/3)
— NotPatrick.com (@NotPatrick) April 3, 2015
Et dans tous les cas, appelez vos députés !! 🙂
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Mesdames et messieurs les députés,
J’ai appelé vos bureaux respectifs ce vendredi après-midi dans le but de vous faire part de ma préoccupation au sujet de la loi sur le renseignement sur laquelle vous allez être amenés à voter d’ici une dizaine de jours.
J’ai laissé des messages sur chacun de vos répondeurs, et je serai très heureux d’être rappelé pour connaitre vos positions sur cette loi. Je pourrai aussi vous donner à cette occasion le détail de ce qui me préoccupe dans l’approche qu’elle prend : nous sommes tous pour l’idée de donner aux services de police et du renseignement des outils plus efficace pour nous protéger, mais il semble que cette interprétation de notre protection allie une fausse idée de la technologie à une mauvaise compréhension de son application.
D’une part la surveillance de masse porte une atteinte grave à nos libertés individuelles :
Imaginez un gouvernement qui mettrait dans chaque bâtiment et dans chaque demeure (la votre y compris) une caméra de surveillance qui archiverait les images capturées “au cas où”. Même si ces toutes images ne sont pas visionnées par un agent de police à chaque instant, ne pensez-vous pas que le simple fait de savoir qu’une caméra vous surveille à tout moment modifierait votre comportement ? Dans votre chambre, dans votre salon, dans votre cuisine ? Même quand on ne fait rien “de mal”, on n’a plus la liberté d’être totalement soi-même dans ces conditions, on se retient, on pense à deux fois… Et c’est déjà une attaque grave à cette idée de liberté.
Cette loi instaurerait la même limitation de nos libertés sur Internet. Et il faut bien le comprendre : pour la majorité des français, pour vous et pour nous, Internet fait désormais partie de l’intimité. On se confie par email, on se laisse aller à un coup de sang sur les réseaux sociaux, on fait des recherches (peut-être embarrassantes) sur Google, on s’informe sur des sujets intimes qu’on ne trouverait (ou qu’on n’oserait chercher) nulle part ailleurs…
Comment peut-on accepter que quelqu’un, qui que ce soit (et à fortiori notre gouvernement) non seulement s’immisce dans cette intimité, mais en plus l’enregistre, l’archive et puisse ensuite la ressortir à n’importe quel moment pour nous confondre ? Je ne parle même pas des abus, dont l’histoire nous prouve qu’ils arriveront à un moment où à un autre (pensez-y d’ailleurs vous aussi), mais bien de cette impression carcérale qui nous empreint quand on réalise les implications de cette surveillance totale : être observé en permanence, tous nos faits et gestes archivés, toutes nos pensées intimes enregistrées pour ne plus jamais disparaître. On ne parle “que” d’Internet, mais aujourd’hui déjà et de plus en plus demain, Internet est une part importante de notre vie.
D’autre part, je ne suis pas convaincu de l’efficacité de ces mesures pour contrer les vrais dangers :
L’ironie de cette loi est que les vrais criminels, les vrai terroristes que l’on cherche à confondre ne seront sans doute pas vraiment affectés par cette surveillance… Ceux qui cherchent vraiment à nous nuire et qui organisent les actions que nous redoutons tant ne sont pas des amateurs. Ils changent déjà de téléphone, utilisent des services anonymes, et savent mettre en place des méthodes de communication chiffrées que ces systèmes de surveillance n’affecteraient de toute façon pas.
Les organismes de surveillance américains l’ont déjà vécu : malgré les nombreux scandales sur les pratiques de la NSA et de ses consœurs, ils n’ont été capables de montrer aucun résultat concret de cette surveillance de masse que nous sommes prêts à reproduire. Le seul travail qui compte, le seul travail efficace, c’est celui que font les enquêteurs sur le terrain, au jour le jour, et faisant des écoutes et de la surveillance ciblée et en remontant les pistes sérieuses.
A coté de ça, il est important de rappeler ce que nous savons déjà : la sécurité absolue n’existe pas. Les experts des services de police et du renseignement ne se risqueraient jamais à nous promettre que, grâce à telle ou telle loi, nous serons enfin sains et saufs pour toujours. Au mieux, le sacrifice de notre liberté ne semble donc nous donner “qu’un peu plus” de sécurité, et au pire ils ne nous en donne que l’illusion. Ce prix est trop élevé.
Enfin, comprenons que cette loi nous apporte le contraire de la victoire :
Je parlais plus haut d’ironie ; en réalité, l’ironie suprême de cette approche est qu’elle donne la victoire à ceux-là même que nous espérons vaincre. Les terroristes ne peuvent pas physiquement nous conquérir, nous battre, ou nous exterminer. Nous le savons et ils le savent aussi. La seule chose qu’ils peuvent faire, c’est de nous effrayer tant que nous perdrons à chaque fois un peu plus de ce que nous sommes. Apeurés, paniqués, nous prendront des décisions qui nous ôteront un peu plus de notre liberté chérie. C’est exactement ce qui est en train de se passer aujourd’hui.
Je veux le redire encore une fois : cette loi fait le jeu des terroristes, c’est une victoire pour leur camp, pas pour le notre.
Chers députés, je vous remercie d’avoir lu ce long message d’un citoyen véritablement préoccupé. Comme vous le constaterez, j’ai contacté autant de députés de droite que de gauche : la question n’est à mon sens pas partisane. Elle concerne et préoccupe tous les français, quel que soit leur bord politique.
Dans un soucis de transparence, je vous informe que j’ai également présenté mon action à la communauté qui me suit sur Twitter, et que je les tiendrai informé de sa suite.
Très cordialement, et en espérant une réponse de votre part,
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[Update 10 avril] Sans réponse d’aucun d’entre eux, j’ai envoyé un deuxième message au même groupe.
Mesdames et messieurs les députés,
Je suis très déçu de constater qu’aucun d’entre vous (ni de vos équipes) n’a pris le temps de répondre à mon message, que ce soit pour me dire votre position sur ce projet de loi ou pour répondre aux préoccupations, je pense légitimes, que j’y exprime. Je comprends que vous n’ayez pas le temps de répondre en détail à tout le monde, mais ne recevoir aucune réponse, pas même un message pré-écrit expliquant pourquoi vous pensez cette loi nécessaire, après messages téléphoniques et électroniques me surprend, me révolte, et me déprime.
Si personne ne prend le temps de s’intéresser plus aux électeurs actifs et bienveillants, peut-on encore être surpris que tous se détournent peu à peu de la politique ? Cet expérience est pour moi un constat amer.
J’envois cette relance, quelques jours avant le début de l’examen, dans l’espoir que vous ayez un peu plus de temps avant ce week end.
Dans l’espoir, toujours, d’une réponse de votre part…