Souvenirs de campagne
Note to my lovely English-speaking audience: my blog articles are usually in English so that everyone can read them. But this is so France-centric (2012 presidential elections) that I’m doing this one in French. The Google translated version is here, for those who are feeling adventurous. We’ll be back with our regular programming soon. 🙂
Pendant l’entre deux tours de l’élection présidentielle, j’ai eu quelques réflexions que j’ai partagé avec ceux qui me font la gentillesse de me suivre sur les réseaux sociaux (sur Google+ en particulier, celui-ci se prêtant à mon sens plus que les autres à la discussion).
Ces textes, j’ai du me faire un peu violence pour les écrire : l’ambiance était vraiment rude sur le net, et j’avais l’impression que le fait de parler m’attirerait les foudres de certaines de mes connaissances. Dit comme ça ça semble idiot ; quelques jours seulement après l’élection (moment où j’écris ces lignes) penser qu’il puisse y avoir eu tant d’animosité semble exagéré. Mais c’était pourtant le cas : je ressentait une vraie intolérance, qui ne me paraissait pas justifiée. Pire, qui m’effrayait ! Et je pensais ne pas être le seul dans ce cas…
L’une des raisons pour lesquelles je me suis lancé était donc celle-ci : expliquer pourquoi ces attitudes me paraissaient injustifiées ou exagérées, et renouer (à mon petit niveau) un dialogue plus sain. Au final, j’ai choisi cette voie au lieu de m’outrer dans mon coin des invectives faciles (et violentes) que je voyais ici et là.
L’autre raison était le désespoir de constater la pauvreté des débats télévisés. Toujours intéressé par la politique, j’ai tenté de suivre les discussions et de comprendre les enjeux en écoutant parler ceux qui les détiennent. Hélas, je n’y ai trouvé qu’engueulades, coupures de paroles, outrages feints et attitudes indignes de notre république. Déçu, j’ai voulu créer des propres mini-discussions, contrôlées par un ton de départ posé, analytique et réfléchi. Quelques extrêmes mis à part, les discussions sont restées polies et respectueuses, et j’ai pu constater qu’il n’y avait aussi des gens capables de se parler même quand ils n’étaient pas d’accord. Ca m’a fait beaucoup de bien, et c’est déjà ça !
Enfin, en relisant ces trois messages, je me suis rendu compte que je construisais en fait ma réflexion sur l’image de la droite en France dans son ensemble, en cercles excentriques (le leader, le parti, les sympathisants). D’aucun prétendront que tout ça est le fait des “excès de Sarkozy”. Je crois qu’ils se trompent ; je parle bien de l’image de la droite en France, telle que je la ressent depuis que j’ai l’âge de voter. Je ne vais pas refaire mes réflexions ici, les textes parlent d’eux-mêmes.
Bref, je ne voulais pas que ces analyses et ces réflexions disparaissent dans les méandres de Google+. Je les ai donc copié ici pour la postérité, ainsi que les liens vers les articles originaux qui incluent les commentaires et les discussions qui en ont découlé. J’y reviendrais sans doute un jour, histoire de voir comment les choses ont évolué. D’ici disons… cinq ans ? 🙂
1) 30 avril 2012 – Le cas Sarkozy
Je suis désolé mais j’en ai un peu marre de la diabolisation de Sarko… Qu’on ne l’aime pas, qu’on vote contre, je comprends tout à fait (on est en démocratie, Dieu merci !). Effectivement c’est pratique : Sarko est l’antéchrist, du coup tout ce qu’il fait est condamnable et néfaste… Ca motive les troupes, c’est sûr. Mais voir ces thèses exhultantes où les “anti” condamnent d’un bloc toute l’action du gouvernement en s’esclaffant me désolé profondément. S’ils regardaient un peu au delà de nos frontières, ils comprendraient, par exemple, que la France était dans le sac de l’Espagne ou l’Italie au début de la crise. Et que ça plaise ou non, ce sont sans doute les décisions de Sarko et de son gouvernement qui nous ont évité leur sort. (Et je ne parle même pas de la question de l’age de la retraite, arraché aux opposants à la réforme, sous les yeux incrédules du reste du monde qui ne comprenait pas comment nous pouvions encore être à 60 ans.)
Je ne comprends pas non plus comment on réussi à transformer en insulte le terme “Merkozy”, quand d’une part c’est le couple France-Allemagne est le socle qui a permis à l’Europe de rester solide face à la crise, et quand d’autre part tout le monde constate que l’Allemagne est l’un des pays où les choses se passent mieux qu’ailleurs. Faut-il être borné pour vouloir jeter absolument ce bébé avec l’eau du bain ! Les oeillères sont-elles si solidement ancrées que Merkel et l’Allemagne deviennent des objets de ridicule, simplement parce que Sarkozy les a “fréquentés” ? Ne devrait-on pas plutôt aller chercher là-bas ce qui fonctionne, et essayer de l’adapter chez nous ? Au lieu de ça, on a droit à “Ha ha, Merkozy, c’est fini, hi hi hi, jus d’pipi!”… Désolant. Ce ne sont que quelques exemples, mais ils m’attristent profondément.
Alors je ne dis pas qu’il faut applaudir quand Sarko ouvre la bouche, loin de là. Pas plus que je ne dis qu’il faut se boucher les oreilles quand Hollande fait ses discours. Mais j’ai bien l’impression qu’en ce moment, c’est l’inverse qui se produit : tout ce qu’a touché Sarko est démoniaque, honteux, risible, dangereux… Et je n’en peux plus. Si le contraire se produisait, et qu’on criblait Hollande des mêmes balles, je serais tout aussi épuisé.
Ok, soyons honnêtes, peut-être que je serai un peu moins épuisé, étant de tendance plutôt de droite. Mais ça me désolerait tout de même, et je me fendrait d’un message similaire. Parce que la question n’est pas d’être pour ou contre untel ou untel ; la question est de pouvoir réfléchir un instant avant de porter un jugement, au lieu de sombrer dans la bête répétition qu’on a apprit en n’écoutant que des gens qui sont du même avis que nous.
Bref, si on n’aime pas Sarko parce qu’il “divise” et qu’il est “clivant” (admettons), ça ne veut pas dire qu’on est obligé de se transformer en automate moqueur qui raille d’office tout ce qui vient de la droite. D’ailleurs si vous faites partie du camp Hollande et que vous m’avez fait l’amitié de lire ces lignes, je vous demande de me faire cet immense plaisir : essayez de penser à une action de Sarko que vous approuvez, et notez-là dans les commentaires. Une seule suffira, juste pour le principe, juste pour l’exercice intellectuel…
(Et pour montrer que je ne suis pas non plus renfermé sur moi-même, je citerai simplement cette émission que je produit : dans “The Phileas Club”, j’invite chaque mois des gens du monde entier à discuter les sujets d’actualité internationale. Nous n’avons pas toujours les mêmes avis, mais nous réussissons toujours à nous parler et à nous écouter. Avoir cette vision “extérieure” de la France – et du reste du monde – m’a ouvert les yeux sur beaucoup de choses…)
En conclusion de ce petit coup de gueule, je dirai que je sais bien que je ne vais convaincre personne de quoi que ce soit ; mes diverses timelines continueront à être criblées de “Merkozy, tout pourri !”, et je continuerai à me tenir la tête dans les mains, affligé. Mais au moins, là, pendant cinq minutes, j’aurai exprimé un peu mes frustrations…
Aller, bonne soirée à tous !
2) 1er mai 2012 – De l’image de la droite
Une chose qui me dérange dans les jugements portés par la gauche sur les idées ou les propos de la droite : j’entends souvent que la droite est insultante ou méprisante (quand elle parle du chômage par exemple), et je ne partage pas cette analyse. J’essaye de comprendre pourquoi ; raisonnement expérimental en deux étapes.
1 ) D’abord, l’impression qu’à gauche on privilégie souvent la “gentillesse” à l’analyse de la réalité. C’est ce fameux “angélisme”, une forme de démagogie qui voudrait qu’on exprime une compassion facile, plus séduisante, même quand elle n’est pas applicable dans les faits. Je me doute que les gens de gauche ne seront pas d’accord, mais je pense vraiment qu’il y a une part de vérité là dedans ; continuons en tous cas le raisonnement pour l’exercice.
2) En conséquence, le fait de s’écarter de cette forme de “compassion artificielle” (si on admet qu’elle existe), et d’exprimer une réalité plus dure, est considéré comme insultant ou méprisant, parce qu’elle tranche et prend position (qui dit prendre position dit opposer une vision à une autre).
En schématisant, si on prend le cas d’un groupe qui doit prendre une décision difficile, c’est la différence entre quelqu’un qui essaye de contenter tout le monde en faisant des promesses plutôt irréalistes, et quelqu’un qui se met à dos une partie du groupe en prenant des décisions qui ne leur plairont pas, mais qui sera applicable.
Dans le cas du chômage évoqué plus haut (ou de la protection sociale en général), si à droite on évoque les situations problématiques où certains abusent du système (théorie qui ne me semble pas invraisemblable), on répond à gauche, sur un ton indigné, que “c’est insultant et méprisant pour les chômeurs, parce que ce sont des gens qui veulent travailler”. Bien sûr, la majorité des chômeurs veulent travailler, mais ça n’est pas le sujet de la discussion, et ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas aussi des abus (dans ce système comme dans d’autres)… Du coup, cette “fausse indignation” devient contre-productive, occultant un problème réel, au prix d’une analyse cohérente de la situation.
Bref, je pense que cette attitude est l’une des raisons pour lesquelles je retrouve chez certains une image de la droite beaucoup plus dure que celle que je m’en fait..
Précision : Je suis conscient qu’il y a de la démagogie dans les deux camps (forcément), et des abus partout. Mais ici je parle simplement de cet exemple précis d’une droite jugée méprisante à tort (à mon sens), et j’essaye d’expliquer ce que je comprends des causes de cette image. Ce message n’est donc pas destiné à attaquer qui que ce soit, mais simplement à analyser certaines de mes impressions, et à les soumettre à la discussion publique (et respectueuse) de mes gentils followers. Et hop, smiley ! -> 🙂
3) 4 mai 2012 – Ceux qui “doivent” avoir honte
[Pauvre droite oppressée !]
Je fais volontairement un titre ironique pour exprimer l’idée de ma troisième (et dernière) tirade politico-préoccupée de la campagne, histoire de désamorcer les réponses énervées qu’elle pourrait provoquer. Oui, je suis conscient qu’il y a de vrais gens qui souffrent dans le monde, et non je ne mets pas les sympathisants de Sarko dans le même sac. Voilà, ça c’est dit !
Maintenant le sujet que je voulais évoquer, encore une fois en réflexion personnelle et toujours ouverte à la discussion : j’en ai marre d’avoir ce sentiment que je “devrais” avoir honte d’être de droite. D’abord parce que je ne suis pas fondamentalement “de droite”, mais plutôt “du coté qui me semble avoir les idées les plus efficaces”, comme tout le monde. Il se trouve que mes analyses et mon expérience m’amènent à penser que les idées de la droite du spectre politique français fonctionneraient mieux, tous comme les analyses et les expériences de certains autres les amènent à penser que les idées de la gauche seraient plus bénéfiques au pays. En France, on veut tous un pays épanoui, qui crée de la richesse pour tous, où tout le monde a toutes les opportunités et où tout le monde est protégé. Personne n’est le grand méchant loup dans cette histoire : nous avons simplement des idées différentes sur le système qui nous permettrait d’y arriver. Détail intéressant, dans la majorité des pays développés, la plupart de ces idées qui me semblent importantes à défendre (sécurité sociale, éducation pour tous ou assurance chômage) feraient sans doute de moi un partisan de la gauche sociale-démocrate aussi…
“Ah oui, mais c’est pas de toute la droite qu’on parle, c’est Sarkozy qui pue vraiment !”
Le problème, c’est que je ne partage pas cette analyse, et que ça ne fait pas de moi un demeuré ou un collabo. Je ne pense pas que Sarkozy soit raciste ou xénophobe, si convaincu que vous soyez du contraire. Je serai heureux d’en discuter autour d’un café si nous nous croisons un jour ; pour le moment, disons que si j’étais d’accord avec cette idée je ne voterai pas pour lui, ça sera plus simple. Et je ne pense pas non plus qu’il soit plus magouilleur ou qu’il ne se traine plus de casseroles qu’un autre homme politique français (merci de nous épargner vos exemples, il y en aurait autant dans l’autre camp. Et la tolérance du peuple Français face à ces abus serait d’ailleurs un sujet intéressant à évoquer, mais ce serait un autre débat).
Au-delà de ça, ce qui me gêne est qu’il y a un climat de condamnation, une sorte d’opprobre de facto jetée sur la droite (ou du moins c’est mon expérience). Quand il n’y a personne de droite, on se convainc que la droite est l’empire du mal. Et si on apprend que quelqu’un est “de droite”, on se demande comment il peut faire une telle chose, on se dit que ce n’est pas possible et qu’il est soit égaré soit trop simple pour comprendre. Au mieux on lui fait les gros yeux et on lui explique à quel point ce choix est néfaste et condamnable, et au pire on ne veut pas lui adresser la parole (et on lui jette quelques remarques ou quelques insultes bien choses). Ca n’est pas exactement la même chose, mais c’est un peu comme si j’invectivais chaque sympathisant de Hollande que je croise (ou sans cibler quelqu’un de précis, sur les réseaux sociaux par exemple), en expliquant les méfaits du communisme, les dangers de l’extrême gauche et le péril dans lequel ces choix mettraient le pays. Je suis sûr qu’il y a des abrutis pour le faire, mais je ne les regarde pas avec plus de considération que ceux dont je parle ici.
Reprenons un peu de perspective : comme je le disais, certains expliqueront sans doute que Sarkozy est un cas extrême mais que le reste de la droite est acceptable, et que quand l’actuel président sera parti on pourra redevenir respectueux et souriant… Mais ce n’est pas moi qui ai inventé l’ineptie de la “pince à linge” pour aller voter Chirac en 2002, et ce n’est pas moi non plus qui me suis imposé ce sentiment de devoir taire mes opinions pendant que les autres les salissent, au risque de créer un malaise offusqué dans la conversation. Ce problème n’est pas nouveau, et il n’est pas né avec Sarkozy. Je connais des gens des deux “bords”, et je n’ai pas le même sentiment de l’autre coté.
Bref, être de droite n’est ni un crime ni une honte, c’est simplement un choix de politique, généralement plutôt réfléchi. Ce n’est pas plus l’apanage des ignobles nantis qui veulent s’engraisser sur le dos des travailleurs, ou des xénophobes vicieux qui y voient l’occasion de remettre en place les étrangers qu’ils haïssent secrètement, que le choix du vote à gauche n’est l’exclusivité des syndiqués enragés qui veulent venir à bout du capital ou des fonctionnaires paresseux qui veulent se la couler douce toute la vie. Il y a des cas extrêmes partout, mais dans la majorité des cas le vote est un choix sérieux qui arrive au terme d’une réflexion respectable. Plus que respectable, c’est un choix que la république nous impose de respecter. Donc j’aimerai bien qu’on ne me le renvoie pas à la figure en permanence, même indirectement.
Il est facile de parler de rassemblement, d’unité et de respect (fièrement opposés au “mépris” et aux “clivages”) quand on invective le coté d’en face dans la même phrase. Quelle ironie ! La moitié de la France vote à droite, il ne me semble pas raisonnable que la moitié du pays soit xénophobe et/ou manipulée.
Et je noterai en conclusion que j’ai généralement essayé de prendre le contrepied de ces à-priori : si je parle ici ou là de mes préférences politiques ce n’est bien sûr pas pour convaincre les gens, mais plutôt pour montrer par l’exemple à ceux qui sont convaincu que la droite est pleine d’ogres terrifiants que l’on peut être raisonnable, attentif et respectueux, et être de tendance de droite tout de même.
Et au-delà de ça, c’est pour montrer qu’il est possible de se parler, de s’écouter, et d’échanger nos idées et nos opinions sans s’envoyer des casseroles à la figure, même quand on n’est pas d’accord. J’affirme d’ailleurs qu’au final, on en ressort tous grandis, et que c’est comme ça, pas en n’écoutant que ceux qui sont d’accord avec nous, qu’on enrichi la démocratie. J’ai l’art d’enfoncer les portes ouvertes, mais vu le niveau des discussions de cette année, télévisées ou autres, c’est peut-être nécessaire… Et à propos de démocratie, disons-le encore une fois : j’espère que vous irez tous voter dimanche, quel que soit votre choix.
Bon week end à tous, camarades !
PS : “Ah oui”, se diront encore certains, “mais ça c’est Patrick; lui il est cool, ça va, c’est ‘le bon mec de droite’… C’est des autres dont je parle”. Je laisserai à ces gens-là le soin de réfléchir par eux-mêmes au ridicule et à la condescendance de cette idée.
4) 6 mai 2012 – Et de conclure…
J’ai beaucoup discuté politique avec vous ici ces derniers jours, mais puisque j’aime donner mon avis sur tout je ne pouvais pas terminer sans envoyer un dernier message, ça ne surprendra personne. 🙂
D’une part pour remercier tous ceux qui ont participé à ces discussions, parce que j’y ai trouvé un sérieux et un respect que j’étais atterré de ne pas trouver dans les combats de coqs que l’on voyait dans les média traditionnels. Je perdais presque espoir dans la santé du débat politique dans notre pays, et vous m’avez montré qu’il y avait encore des gens pour se parler et s’écouter.
Et d’autre part, bien sûr, pour féliciter de manière inconditionnelle le candidat élu : la France a choisi, et François Hollande est désormais notre président à tous. Nous nous devons de placer nos espoirs en lui et de lui souhaiter bon courage ! Nous avons la chance de vivre dans un pays où la démocratie et les libertés sont fortes, célébrons le dignement.
Et ajoutons-y un traditionnel “Vive la république, et vive la France !”
Aller, qui le reprend en coeur avec moi ? 🙂